Un rayon de bonheur signé Dalloz (ou Lexis)

Le bonheur est dans les airs !

Dans le ciel plutôt.

Ce petit quelque chose qui fait danser le matin, s’habiller en dansant. Qui caresse le visage à l’arrêt de bus, fait briller l’Hôtel des Invalides, magnifie la Seine et réchauffe le cœur.

Autant de moments volés jusqu’à l’ouverture de l’étrange parenthèse :

(Collab-Patrick-Tourdechaise-Coupdanslemur-Impératrice-Tourdechaise-Coupdanslemur).

Lorsqu’enfin elle se referme, la parenthèse a emporté mes journées.

Au mieux, j’ai encore le temps d’aller profiter d’un dernier rayon de bonheur autour d’un verre de vin, au pire, juste le temps de rentrer dormir.

Mais n’en a-t-il pas toujours été ainsi ?

En fait le soleil d’avril, c’est un peu la tentation ultime.

L’intouchable.

L’amant qui frappe à ta fenêtre et dont l’éclat te rappelle les journées passées à transpirer de son étreinte au bord de la plage.

L’amour de vacances.

Celui dans les bras duquel tu ne peux t’abandonner dans le contexte de ta vie parisienne, ça n’aurait aucun sens, « ce n’est plus les vacances ».

C’est le deuxième mois d’avril que je vis depuis que je suis dans la vie active.

D’une certaine manière, aussi pénible que soit le contenu de la parenthèse, j’ai l’impression que mon sort aujourd’hui est à préférer à celui de mes avril précédents.

La Période de Révision.

Avril 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013. Les programmes de révision qui s’enchainent et se ressemblent, les pages qui se tournent, les fiches qui se colorent et les larmes qui coulent.

Je ne saurais dire combien d’heures j’ai pu passer à déambuler dans le même pyjama en respectant religieusement le même rituel : faire du café, m’enfermer, ficher, ouvrir une page facebook, culpabiliser, fermer la page facebook, boire mon café, apprendre, pleurer, apprendre, faire du café, m’enfermer…

« J’aurais jamais tout vu ». Et même si j’avais tout vu, je n’aurais jamais tout revu, car pour l’étudiant en droit, tout ce qui n’est pas fait est à faire et tout ce qui est fait est à refaire.

En été, comme en hiver, les journées sont rythmées par ce mot que l’on maudit bénir : la pause.

Ou plutôt, les pauses, classées en différentes catégories.

Il y a d’abord les incontournables :

  • la pause déj’, où l’on essaye de se surprendre culinairement afin de réveiller ce qu’il reste de kiff à l’intérieur de soi ;
  • le goûter, où l’on noie son chagrin dans un carré de chocolat (ou une tablette, selon l’ampleur du chagrin) ;
  • l’épisode, celui que l’on s’accorde si l’on est sage (et le deuxième épisode, qui arrive parfois en signe de rébellion ultime).

Et naturellement il y a aussi le vaste et bien connu panel d’éléments de procrastination allant du simple rangement de chambre au nettoyage des bougies de la voiture « avant de commencer ».

Mais en avril, il y a ce petit quelque chose en plus.

Les bras dénudés des filles, les visages transpirants des garçons. Les respirations hâletantes de corps mis au défi de ne pas quitter leur poste de travail. Tant de chaleur qui fait de Cujas un lieu qui semblerait presque interdit.

Les terrasses du Panthéon qui donnent l’impression de supplier que l’on abandonne son Précis Dalloz et autres manuels pour se laisser aller en leur sein, le temps d’un diabolo fraise.

Alors on baisse la tête, on pense à son programme de travail, on s’accroche à son Précis et on continue d’avancer. Sans se retourner.

Je repense à Collab Viré le jour où il m’a exposé la Théorie du Larbin.

« – Je cherche pas à être présomptueuse. Je dis juste que j’ai assez travaillé pendant mes études pour décider de comment je veux exercer mon amour du droit.

– Tout le monde s’en fiche de ton amour du droit ».

T’es sur de toi Collab Viré ?

Quand je ferme les yeux, je revis le goût de chacune des salades de riz mangées en 16 minutes sur les marches du Panthéon. Je me souviens de Cujas, la BSB, la BSG, Tolbiac, la BNF, la BULAC et tant d’autres temples du savoir, des pauses d’une heure max, du « vous pouvez parler moins fort s’il vous plaît » et de la drague du désespoir.

Le commentaire d’arrêt pour rattraper la note du galop, le partiel pour égaler l’oral, la petite matière à cartonner même si on la découvre à J-2 (ce qui est large).

Tout ça pour quoi ?

Le semestre. La mention. La licence. Le bon M2. Et of course, le gros Cab.

Mais je ne regrette rien, pas même les larmes.

Ces états intenses ont sans doute prouvé que, si le soleil est l’amant, le droit est le mari, l’ami, le complice et parfois l’ennemi.

Celui qu’on aime profondément, que l’on déteste parfois et qui nous manque toujours.

Mais pour Collab Viré, l’amour du droit, c’est comme l’amour tout court.

Une légende presque aussi ridicule que la recherche du Bonheur.

5 réflexions sur “Un rayon de bonheur signé Dalloz (ou Lexis)

  1. Ahlala comme je me reconnait dans cet article…sauf que malheureusement moi je suis qu’à la fin de la licence, donc ce calvaire est encore à l’ordre du jour…En tout cas très bon article 🙂

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